Finalement le réel c’est quoi ? Qu’est ce qui fait notre humanité ?
Si aujourd’hui on retrouve ces questions vertigineuses dans bon nombre de d’oeuvres, c’est bien grâce à Philip K.Dick: le pape de la science fiction. Il a souvent imaginé un avenir proche baignant dans une société dystopique où la technologie est dominante et les libertés de plus en plus restreintes, au point de s’imposer comme un des pères fondateurs du genre Cyberpunk et de la Hard Science. Des genres où les dérives technologiques humaines et sociales imaginées sont possibles.
Très tôt, il se passionne déjà pour les pulp américains, ces publications de Fantasy et de SF, mais aussi pour les oeuvres de grands auteurs comme Lovecraft ou Edgar Allan Poe.
Au delà de ses influences, K.Dick sera plus tard , dès les années 60 un auteur tourmenté, peu stable et accro aux drogues hallucinogènes. Mais ses textes ont inspiré des films devenus cultes, comme notamment Minority Report de Steven Spielberg, le génial Total Recall de Paul Verhoeven et bien entendu, l’immense, le mythique, l’intemporel Blade Runner de Ridley Scott.
En 1968, il publie ce qui sera une de ses oeuvres majeures:
Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?
Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques?, Philip.K Dick, (1968) |
Alors que Dick vit paisiblement avec sa famille dans une belle maison, il commence à mettre en parallèle la chaleur que lui offre son enfant et sa femme à la froideur de personnes qu’il a connu auparavant. L’idée d’opposer l’être humain à l'androïde vient de là.
L’histoire se déroule dans un futur proche pour l’époque, à savoir l’année
1992. Le monde a été ravagé par la guerre nucléaire, ce qui poussa la plupart des êtres humains a émigrer sur Mars. On suit donc Rick Deckard, une sorte de détective, qui a pour mission de traquer des Nexus 6 des androïdes évolués similaires aux humains.
Avec un tel postulat, l’objectif de K.Dick est bien entendu de nous interroger sur notre propre humanité. En quoi sommes nous si différents des androïdes ?
Blade Runner fait partie de ces oeuvres qui ont longtemps été fantasmé par les cinéastes et ce dès les années 70. Pour dire, Martin Scorcese était un des premiers à se pencher sur le sujet. Lorsqu’un premier scénario est écrit,
La maison de Production de le Ladd Company veut Ridley Scott derrière les caméras fort de son succès avec Alien sorti en 79.
Pour incarner Deckard, le choix d’Harrison Ford est évident après ses derniers rôle d’Han Solo et de Indiana Jones.
Harrison Ford sur le tournage de Blade Runner en 1982 Source: Télérama |
Quand Scott s’empare du roman il apporte sa vision en imaginant tout d’abord le nom de Blade Runner, titre d’un autre roman qu’il apprécie.
L’action se déroule elle en 2019, et les androïdes ont le nom de réplicants.
Ces fameux réplicants ont été créés par la Tyrell Corporation une immense multinationale.
Si aujourd’hui le film est légendaire, à l’époque, ça partait plutôt mal.
A vrai dire, au moment de sa sortie, ET l’extraterrestre et Star Trek II dominent le box office.
Et jusque là, les films de science fiction à succès étaient pour la plupart des aventures épiques et spectaculaires à l’image de Star Wars …
C’est une des premières fois où on anticipe littéralement ce à quoi pourrais ressembler notre futur proche, en faire une dystopie.
Blade Runner est un film complexe, atmosphérique, très poseur …
Bref, ça n’a pas forcément plu à sa sortie.
Certains y voient une coquille vide dénuée de sens au rythme insoutenable.
Mais d’autres voient quand même en Blade Runner une future pierre angulaire du cinéma.
Et il faut dire, ils avaient bien raison.
Mais le film forge sa réputation avec le temps.
Il a même été, pour l’anecdote, la VHS la plus louée pendant plusieurs années. Si aujourd’hui le cyberpunk s’élève comme un vrai style artistique, c’est bien parce que Blade Runner est passé par là. Le Los Angeles que Scott met en scène est dystopique, crasseux, un lieu où androïdes et humains s’y mélangent. La seule once de lumière, ce sont ces néons, ces panneaux publicitaires immense. Cette patte rétro futuriste entre film noir et dystopie technologique est omniprésente aujourd’hui dans le jeu vidéo, la photographie, la littérature, la bande dessinée …
Si les artistes se servent aujourd’hui de cette imagerie, c’est bien pour dénoncer une humanité aliénée à cause de l’industrialisation et du capitalisme .
Plan tiré de Blade Runner |
Art à l'esthétique Cyberpunk Crédit photo: conceptartworld.com |
Et ouais, Blade Runner est une film purement punk en fait.
Mais d’autres éléments du film resteront graver. Sa musique déjà , signée Vangelis, qui elle aussi aura une influence l’électro et l’avènement de la synthwave.
Mais bien sûr n’oublions pas la portée philosophique du long-métrage où toutes les questions soulevées à Travers l’oeuvre de K.Dick y explosent. Sa grande force, c’est sa part de mystère. Le film ne donne jamais de réponse. Il joue avec nous sans dire qui est humain ou qui ne l’est pas. Justement, jongler entre ces contradictions est un vrai vertige, au point d’embarquer le spectateur dans ses questionnements. Utiliser l’image de l’androïde pour parler d’humanité, bien que ça ne date pas d’hier c’est ingénieux.
Ce qui nous laissera une des scènes les plus cultes du cinéma.
Extrait de la scène culte "Tears in the rain" https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=HU7Ga7qTLDU |
Le film est un classique aujourd'hui.
En 2007, il est même classé par la American Film Institute 97ème sur son classement des 100 meilleurs films de tous les temps. L’idée d’en faire une suite ne date donc pas d’hier. Déjà en 99, Ridley Scott se met lui-même sur le projet. Mais par manque de budget, ça tombera à l’eau.Il faudra attendre 2017, pour que Denis Villeneuve réalise ce Pari fou.
Il est aux commandes de Blade Runner 2049, qui se déroule donc 30 ans après l’oeuvre originale. Le film reste produit et co-scénarisé par Scott.
Affiche de Blade Runner 2029 |
Bien entendu, on y retrouve tout ce qui fait l’essence du premier film de 82.
Visuellement incroyable, très poseur, métaphysique…
Mais déjà en 1985 l’univers Blade Runner s’étend. Un premier jeu vidéo éponyme sort déjà sur 3 consoles différentes.
Bon, revenons en à nos moutons électriques si vous me permettez. L’androïde au cinéma, c’est une grande histoire, et ce depuis 1927 avec le Metropolis de Fritz Lang.
Metropolis, Fritz Lang (1927) |
Philip K.Dick se considérait lui-même comme un philosophe de fiction. Son oeuvre laisse derrière elle tout un monde dont Blade Runner en est le parfait exemple.
Qu’est ce qui fais de nous des humains finalement ?
Une problématique qui aujourd’hui est omniprésente dans la culture.
L’héritage laissé est grandiose. Blade Runner est encore considéré comme le plus grand film de science fiction, et ce n’est pas prêt de changer …
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